Soudan, souviens-toi

Un film de Hind Meddeb

7 mai 20251h16

CHRONOLOGIE DES ÉVÈNEMENTS

NOTE DE RÉALISATION

De Paris-Stalingrad à Khartoum, Soudan

Ce film découle de Paris-Stalingrad, mon précédent documentaire sur les campements d’exilés autour du métro Stalingrad à Paris. Durant le tournage, je me suis liée d’amitié avec des Soudanais demandeurs d’asile. Je dirais que j’ai rencontré le Soudan à Paris. Moins de quatre semaines après la première de Paris-Stalingrad au festival Cinéma du Réel, on apprenait la chute de Omar Al-Bachir. C’était le 11 avril 2019. Les amis soudanais ont vécu cet évènement avec un mélange de joie et de frustration : toute leur vie, ils avaient rêvé de ce moment où la dictature s’effondre. D’en être, d’y participer. Mais leur situation administrative et l’issue politique incertaine des événements leur interdisaient de rentrer au pays. Ils en étaient réduits à suivre leur révolution sur les réseaux sociaux !

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Omar Al-Bachir est resté trente ans au pouvoir. Dans un pays extrêmement divers, où l’on pratique différentes religions, il a imposé la charia, la langue arabe, le parti unique et a plongé le pays dans la guerre civile. Pour mettre à terre la résistance dans certaines régions, il a prétexté la supériorité des tribus arabes, envoyant la milice FSR faire du nettoyage ethnique et exproprier des paysans de leurs terres. Le génocide au Darfour, au Kordofan et dans la région du Nil Bleu a fait des centaines de milliers de morts. La plupart des amis soudanais rencontrés à Paris avaient lutté contre ce régime, ils avaient participé aux manifs et aux mouvements de désobéissance civile, en 2006, en 2013. Certains, dans les réseaux étudiants de lutte, avaient été arrêtés, torturés et avaient quitté leur pays clandestinement. Ce sont eux qui m’ont poussée à partir. En me disant simplement « Toi, tu peux y aller. Tu peux nous ramener des images de notre révolution. »

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La Marche du million

Le sit-in qui a mené à la chute du dictateur avait commencé le 6 avril, date à partir de laquelle toutes les différentes manifestations qui embrasaient le pays ont convergé vers Khartoum. C’est ce que l’on a appelé « Millioniya » : « La Marche du million ». L’idée du sit-in c’était : on ne bouge pas d’ici jusqu’à ce qu’Omar Al-Bachir tombe. Mais très vite il est tombé et les gens ont dit : on ne bouge pas tant qu’on n’obtient pas un changement de régime, la « Madania », littéralement le gouvernement citoyen, la démocratie. J’avais connu la place Tahrir au Caire en 2011, et aussi l’ébullition qui suivit la chute de Ben Ali en Tunisie sur l’avenue Bourguiba. Mais à Khartoum, c’était encore plus spectaculaire. Ce n’était pas une place ou une avenue, mais tout un quartier qui avait été investi.

Les révolutionnaires ont coupé la circulation et ont instauré une cité utopique piétonne. Si bien que ça se déployait comme une ville dans la ville.

Dans les rues, il y avait un désir d’être filmé. Les gens venaient vers moi. Je n’étais pas en quête de personnalités politiques, j’étais du côté de ces citoyens ordinaires qui agissent dans l’ombre, je filmais ces petits gestes accumulés qui rendent possible l’utopie révolutionnaire. Je n’avais presque pas besoin d’approcher les gens. Ils venaient vers moi, ils s’adressaient à la caméra, à un monde avec qui ils n’avaient plus communiqué depuis 1989. J’ai gardé au montage certaines de ces interactions, car elles disent leur rapport à la présence d’une intruse, « une Tunisienne qui parle un joli arabe » …

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La poésie comme mémoire de la révolution

Je dirais que la première particularité de cette révolution est la poésie. Déjà à Paris, la place que les Soudanais lui accordent m’avait frappée, elle était très présent sur les campements. En arrivant à Khartoum, je découvre que la poésie est partout : dans les conversations, les manifestations, sur les murs. Il est commun qu’une discussion politique tourne à la joute poétique. Les poètes accompagnent chaque étape de la révolution, ils composent des « poèmes-épopées » qui s’écrivent au fur et à mesure que l’histoire se fait.

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Ces poèmes, avant de savoir qui en étaient les auteurs, je les ai d’abord entendus dans la voix des révolutionnaires, en manifestation ou simplement dans la rue quand la jeunesse se rassemblait sur la place d’Athènes, au centre de Khartoum. Ils s’appellent Mostafa Sid Ahmad, Mahjoub Sharif, El Fitory, Hommeid, Azhari, ils ont passé une partie de leur vie en prison, d’autres ont été forcés à l’exil. Leurs écrits se transmettent d’une génération à l’autre. Leurs mots deviennent ensuite de puissants slogans politiques, comme « La balle ne tue pas, c’est le silence qui tue » ou encore : « Le sang du martyr n’a pas de prix. L’âme que l’on assassine, nul ne la ressuscite. » Ces poèmes et l’idée du film se rejoignent : il s’agit de garder une mémoire de cette révolution. Car la logique des militaires est de ne laisser que des images de guerre et de destruction, de tuer cette utopie. Ce film travaille contre l’oubli. En apparence, c’est la loi du plus fort qui l’emporte. Mais ce que les Soudanais ont esquissé, leurs slogans, leurs poèmes, l’idée d’une société plus juste, en paix, tout cela reste l’horizon d’un monde auquel nombre d’entre nous aspire. Ils nous montrent le chemin.

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